Les directions générales apprécient la transparence. Ce qu'elles n'apprécient pas, c'est quand vous cachez quelque chose et que 3 ans plus tard elles découvrent qu'il y a eu un écart dans la trajectoire.
Il faut arriver à faire une force de l'engouement des métiers pour l'innovation sur le numérique. On ne peut pas le brider, et il ne faut pas le brider, c'est une énergie énorme !
Administration de sécurité sociale, éducation nationale, entreprises publiques APU centrales, collectivités locales, etc. Le secteur public représente 20 % des emplois en France. On y retrouve tout logiquement des DSI qui s'attellent à enclencher la transformation numérique d’un secteur disposant d’un cadre strict qu’il faut respecter. Thomas Vrignaud, spécialiste du sujet, est l’invité de cet épisode centré sur les DSI dans le secteur public.
Fort de ses expériences en tant que Digital advisor & digital project manager au sein de la CCI Marseille Provence, directeur des opérations de la CCI Store et CDO de CCI France, Thomas Vrignaud connaît bien le monde des établissements publics. Il officie aujourd’hui en tant que consultant spécialisé dans la transformation numérique du secteur public.
I) Quelles spécificités pour la DSI au sein du secteur public ? Les différences entre un DSI du secteur privé et du secteur privé se comptent sur les doigts d’une main. Néanmoins, ces spécificités ont de lourdes conséquences sur les méthodes de travail des DSI.
II) Structurer la répartition des rôles entre DSI et CDO pour une transformation numérique réussie. La relation entre DSI et CDO est souvent quelque chose de très complexe à organiser. Thomas Vrignaud livre ses méthodes pour optimiser la répartition des tâches entre ces deux acteurs de la transformation digitale.
III) Une gouvernance hybride pour renforcer la relation entre l’IT et les métiers. Thomas Vrignaud évoque ses convictions, celles qui permettent à ses équipes IT de montrer des résultats convaincants tout en collaborant durablement avec les directions métiers.
Par définition, le secteur public est régi par des missions de service public qui ne sont pas ne sont pas des missions marchandes, avec quasiment aucune approche business. Le DSI dans ses choix de projets va préparer les choses et les vendre d’une manière différente. Le cadre change et il doit donc s’adapter à ce cadre. Pour n’importe quel achat, le DSI doit prendre en compte :
Thomas Vrignaud préconise d’utiliser le marché “de gré à gré” (même si encadré, car il faut réaliser au moins trois devis, et intéressant pour des projets de moins de 40 000 euros HT), d’utiliser les plateformes d’achats (comme l’UGAP a qui les DSI délèguent la partie procédurale), et de monter des dispositifs cadre.
Dans le public, afin de prioriser certains projets par rapport à d’autres, il existe un cadre de référence d’analyse de l’opportunité IT d’un projet : il s’agit de MAREVA (pour Méthode d'analyse et de remontée de la valeur). Il est composé de plusieurs indicateurs permettant de prendre une décision quant au lancement ou non d’un projet :
En plus de la mesure de la charge administrative, il existe d’autres méthodes où l’on peut analyser les gains qualitatifs liés à des indicateurs de temps de traitement. Ce n’est pas forcément une charge supportée par l’usager car ce n’est pas lui qui effectue en soi la démarche mais l’enjeu est la rapidité afin de proposer à ces usages, quelque chose de correct.
Les autres approches vont être plus “classiques”, plus “marketing”. Elles consistent à travailler d’irritant par irritant et de regarder en quoi va réduire l’ensemble des irritants clients.
Pour Thomas Vrignaud, le CDO est orienté sur l’innovation et les nouveaux projets structurants, tandis que le DSI doit, en plus de ces deux volets-là, gérer le legacy, l’exploitation, le support, la gestion de parc, le réseau, la téléphonie, l’infrastructure, il doit faire tourner l’existant.
Il n’y a pas d'opposition entre l’un et l’autre : si les deux sont en concurrences, le DSI sera positionné dans une démarche où il sera cantonné à l’existant et où il devra récupérer, à un moment ou à un autre, les projets structurants pour le passé dans le legacy. Sauf que beaucoup de DSI ne souhaiteront pas gérer une application qu’ils n’ont pas réalisée et qu’ils n’auraient pas vu de cette manière.
Le modèle qu’il préconise est le suivant : une DSI qui évolue vers l’innovation dans ses pratiques, qui regarde le SaaS, qui fait du mode agile, qui fait évoluer sa partie études & projets, tout en créant des passerelles/des jonctions entre l’exploitation et cette partie études & projets, en mobilisant les deux autour d’une seule entité. Les CDO, ça peut marcher pour les grosses structures publiques souhaitant accélérer très vite leur transformation numérique. Mais à un moment donné, ça rentre à nouveau dans une démarche legacy et liée à l’exploitation du SI. Il appelle ce modèle, la DSITN (direction des systèmes d’informations et de la transformation numérique).
Il voit de nombreux défauts au CDO "hors sol" à qui l'on demande de s'occuper de toute l'innovation alors que le DSI est simplement chargé de s'occuper d'assurer le "run". En fonctionnant de cette manière, le passage des projets en phase de "build" à un DSI qui n'a pas participé à leur élaboration est complexifié et provoque souvent des frustrations. Thomas Vrignaud plaide donc pour intégrer l'innovation dans la DSI, quitte à organiser une collaboration CDO et DSI sur les projets qui requièrent une attention particulière.
Thomas Vrignaud a deux convictions fortes :
En appliquant ces deux convictions, une équipe IT sera capable de montrer des résultats à la direction générale, cela permettra d’ajuster le projet.
De plus en plus d'équipes métiers développent un engouement pour l'innovation numérique. Certains d'entre eux ont même des compétences techniques très poussées. Selon Thomas Vrignaud, cette énergie débordante qui émane des métiers est une force qu'il convient de canaliser : plutôt que de la brider, il conseille de s'en servir afin notamment d'accélérer la phase de sourcing des solutions et d'impliquer les métiers pour augmenter le taux d'adoption des solutions.
Il considère que les métiers sont totalement force d’innovation. Plutôt de brider les directions métiers, travailler avec elles permet de gagner du temps sur la phase de sourcing de solutions et ça les mobilise, ça les engage.
Dans ce podcast, Thomas Vrignaud a pris le temps de détailler l’ensemble des spécificités des DSI et de la transformation digitale du secteur public. Les équipes IT et DSI sont obligées d’organiser leurs projets de telle manière à s’adapter aux exigences des politiques ou à la nature particulière d’une mission de service publique. Cela nécéssite également la refonte de la priorisation des projets qui est réalisée selon une méthodologie proposée à ce secteur.
Fort de son expérience en tant que CDO, il est revenu sur les problèmes de structurations qui peuvent exister entre les CDO et les DSI. Il considère que les CDO hors sol peuvent s’apparenter à des chefs de service études & projets que l’on peut retrouver dans des DSI. Il préconise un modèle sous la forme d’une DSITN : une DSI qui, en une seule entité, comporte deux pôles : études & projets, et exploitation du legacy, ce qui permet d’être tourné vers la stratégie de transformation numérique de l’entreprise.
Enfin, le Shadow IT est évoqué par Thomas Vrignaud : il est souvent la preuve d’un manque de dialogue entre les équipes métiers et IT. Selon lui, de plus en plus d’équipes métiers ont une appétence forte pour la technique et peuvent donc être une force de proposition pour les DSI. Il explique donc comment profiter de cette énergie qui émane des directions métiers, en instaurant une "gouvernance hybride métiers / DSI".
Le podcast pour comprendre comme le métier de DSI est en train de changer. D'un métier technique à un métier orienté business, le DSI est la clef de la transformation de nos entreprises.
Chaque semaine, Bertran ruiz discute avec les CIO et DSI qui se livrent, et vous partagent leurs expériences. Un condensé de savoir et d'apprentissage.