Une crise, les gens se sont déjà pris le mur, il y a une partie de reconstruction et en général ils embarquent très vite. Une transfo, on voit arriver le mur et il faut embarquer les équipes vers une nouvelle trajectoire
Ex DSI “classique” dans des PME jusqu’à des sociétés du SBF 120, VIncent Lauriat a plus de 20 ans d'expérience en informatique et pratique depuis six ans le management de transition.
Avec Vincent on va s’intéresser au sujet des roadmap IT, à la capacité de les créer et d'impliquer les Codirs dessus. La feuille de route vue comme le cœur de l’échange continu entre directions sur ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. Autre sujet que Vincent connaît bien: le passage des organisations en mode agile à l’échelle / produit. Accrochez-vous c’est un épisode passionnant !
Vincent Lauriat fait peu de remplacements, il intervient essentiellement dans des contextes de transformation et de crises il. Donc, à chaque fois la situation est tendue et il faut aller vite ! II distingue d’emblée deux contextes de missions, celles de crises SI et celles de transformation.
"Une crise, les gens se sont déjà pris le mur, il y a une partie de reconstruction et en général ils embarquent très vite. Une transfo, on voit arriver le mur et il faut embarquer les équipes vers une nouvelle trajectoire”.
Vincent le constate, dans les entreprises tout le monde rêve d’une grande direction, d’une feuille de route construite sur le temps long …Pour lui la réalité est toute autre. On gagne des marchés et après on doit se réadapter à ce contexte, avec des concurrents et autres. Il souligne que toute l’organisation doit être extrêmement agile et que l’IT doit suivre ça !
“Un DSI est un peu le reflet du fonctionnement de sa société. Si on est dans un contexte hyperconcurrentiel où l'entreprise doit s’adapter très vite il faut au niveau de la DSI s’adapter très vite”.
D’après Vincent, pour un DSI, il y a une contrainte de plus, c’est qu’il faut garder à jour tout son patrimoine technologique pour ne pas tomber dans une logique d’obsolescence y compris pour des raisons de cybersécurité.
Revenant sur les enjeux d’une mission de transition au regard de la tenue de la feuille de route, il souligne que cela est plus simple qu’un DSI en poste car on a clairement un donneur d’ordre et un objectif qui est clair : changer une organisation soit faire un intérim en attendant un DSI en poste. Période plus courte et mission plus précise !
Dans ce contexte, il confie que mettre une trajectoire en place est assez simple et rapide : “Il faut qu’on puisse quasiment dans la première semaine proposer quelque chose !” Et avec une roadmap qui s’adapte avec tout ce qu’on découvre et avec les impondérables !
Parfois un nouveau dirigeant propose son rapport d’étonnement au bout des 100 premiers jours…Un DSI de transition lui peut avoir fini sa mission au bout des 100 jours” rappelle-t-il avec humour !
Bien sûr, il n’y a pas de solution miracle, rappelle Vincent. Dans les débuts de ses missions : il cherche très rapidement à répondre aux questions telles que : “Qui sont les alliés ? Qui est vraiment le donneur d'ordre, qu’est ce qui est vraiment important à lui demander ?”
La roadmap devient un outil et un accélérateur. Vincent Lauriat rappelle que le poste de DSI est en général mal compris par les directions générales. Pour lui, la première chose est de donner de la visibilité et la roadmap est un de ces outils qui permet de le faire.
Un outil qui va servir à 360°, avec la direction et les équipes. Un seul support commun contenant objectifs, vision, finances, RH, etc.
Autre point, Vincent constate que contrairement aux start-up pour lesquelles la roadmap constitue le cœur du réacteur, lorsque les entreprises traditionnelles grossissent il y a une sorte de perte de repères. On oublie que la roadmap est le cœur de l’échange continu entre directions sur ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. Il se félicite qu’en période de transfo et de crise on revienne aux basiques et à un usage commun, continu et crédible de cet outil versus des feuilles de routes plus aléatoires.
“Le problème d’un DSI ou d’une entreprise, ce n’est pas tellement les projets de la roadmap, on sait tous les gérer. Par contre on se fait complètement absorber par le run et le legacy et autre. C’est cette capacité à réagir qu’on perd et alors peut être une des choses dont on perd le focus c’est qu’on oublie les projets et la transfo de l’entreprise et on se noie dans le quotidien.”
Vincent rappelle que c’est un des facteurs qui a pu contribuer au développement des fonctions de transfos dans des entreprises. Des organisations tiraillées dans ce grand écart entre le run quotidien et la nécessaire projection en vue d’une transformation.
Une des solutions a longtemps été de prendre quelqu’un qui gère le futur et l’autre le quotidien… Comme l'ont été les CDO dans leur rôle transverse aiguillon du changement ou bien les business process manager des années 2000 !
Pour notre expert le problème de ces séparations c’est qu'à un moment donné “le monde nouveau doit devenir le monde actuel, car on a un problème d’intégration.”
Pour lui, il y a différentes manières de faire : soit on avance en parallèle et là on a un gros problème c’est quand les deux chemins vont devoir se recroiser soit on essaye de faire avancer les deux chemins en même temps vers une même direction. Et là on fait plutôt du changement itératif.
Pour Vincent, il n’y a pas de modèle parfait, chacun a ses avantages, cependant il souligne que cela crée de la place pour le management de transition. Pour aller aider le DSI, soit à gérer son run quand lui va se focaliser sur la partie transfo soit l’aider sur la transfo quand il est très à l’aise avec le run et moins avec la transfo. et les projets transverses. #CQFD :)
Alors que de plus en plus d’organisations recherchent un modèle de livraison/delivery plus efficace. Certaines d’entre elles, notamment dans le secteur bancaire, appliquent par exemple la méthode SAFe (Scaled Agile Framework), qui permet de pratiquer les méthodes agiles à l'échelle d'une organisation. Vincent a une grande expérience de ces cadres de développement. Il revient sur les façons de coopérer au sein des équipes souhaitant passer d’une boîte projet à une boîte produit.
“L’avantage que je vois à ces modes produit, SaFe et autres, c’est qu’on change la manière de fonctionner. On intègre plus les parties business, avec les équipes informatiques et on fait des cycles plus courts, donc on est plus proche du mode de fonctionnement de l’entreprise. On fait en fin de compte évoluer le run, on casse cette scission entre les deux mondes. On les fait évoluer constamment en même temps.”
Interrogé sur la perception qu’ont les équipes de ces méthodes agiles à l'échelle ? Vincent souligne deux limites qu’il a perçues sur le volet humain de ces modèles : Pour lui ces méthodologies nécessitent généralement que les gens soient “impliqués dans l’histoire”…Alors qu’aujourd’hui, on constate dans les DSI un recours important à l’externalisation des contributeurs directs, dev et autres, qui sont moins “parties prenantes”. D’autre part, toujours sur le plan humain, Vincent remarque aussi le difficile partage du pouvoir de certains chefs de projets, qui ne deviennent “plus qu’une voix parmi tant d’autres”. Même s’ils affirment bien aimer ces méthodes, cela peut être un frein important.
Au-delà de ces freins il partage le fait que “Quand on se retrouve dans des cas où on voit des features super malignes proposées par des dev par rapport à une idée… Là on se dit ça marche ! Mais il faut un certain temps ! Quand on y arrive, c’est fantastique et on voit que ça accélère…”
Le “faux mode produit” . Revenant sur les caractéristiques du mode produit Vincent rappelle que lorsqu’une équipe dite produit prend des demandes et les subit en continu, on est typiquement dans un faux mode produit. “Normalement, l’équipe produit propose des nouvelles features constamment” c’est pour Vincent une des caractéristiques d'une équipe produit qui marche, peu importe le framework, safe ou autre d’ailleurs.
D’après son expérience quand on crée (correctement) une équipe produit ça facilite vraiment la coopération, ça permet de mieux se transformer ! L’enjeu c’est d’être proactif et d’aller chercher de la valeur.
Recommandation d’organisation d’une équipe produit “hybride”. En termes d’organisation Vincent Lauriat milite pour mettre de l’équipe produit là où on crée de la valeur ! Et pour simplifier, que l’équipe marketing soit l’équipe produit en fin de compte. Ni 100 % IT, ni 100% marketing, mais au milieu ! En charge de la stack technique et fonctionnelle.
C’est sans doute pour Vincent l’une des raisons du succès de ces méthodes dans les entreprises traditionnelles qui ont des fonctionnements en mode territoires. Elles ont pour lui tendance à ne pas faire des trucs simples volontairement. Peut-être que la culture produit est une manière de simplifier ces territoires !
“Tu vas plus vite mais tu as plus de risques de faire des trucs en double !”. Dans toute la riche expérience vécue par Vincent il y a ce point d’attention qui a été soulevé : la difficulté pour des grandes équipes fonctionnelles à se resynchroniser pour comprendre ou elles en sont, comprendre leur choix, leurs décisions. Pour éviter les doublons il faut du lien entre les PO. C’est tout l’intérêt des rétros ou on va découvrir ce qui a été fait et tirer les sonnettes d’alarme. Il remarque avec humour que “Quelque part on a cassé les grands silos…Mais potentiellement créé pleins de petits ! Une organisation orientée produit, ce n’est pas une organisation sans problème…C’est que ce ne sont plus les mêmes problèmes qu’une organisation normale !”
Au final, difficile de trancher un débat sur les “do’s” / “don’t” et avantages / inconvénients d’un passage en mode équipe produit dans le cadre d’une ETI de 500 personnes !
Il ressort néanmoins des riches échanges entre Bertran et Vincent que :
Le podcast pour comprendre comme le métier de DSI est en train de changer. D'un métier technique à un métier orienté business, le DSI est la clef de la transformation de nos entreprises.
Chaque semaine, Bertran ruiz discute avec les CIO et DSI qui se livrent, et vous partagent leurs expériences. Un condensé de savoir et d'apprentissage.