Sur les dix dernières années, je vois une grande mutation et une attente des directions générales qui attendent des changements concrets de la part des DSI. On tend vers une DSI centrée autour des métiers et où la technologie devient un élément secondaire alors qu’elle peut être bénéfique.
En tant que fondateur et CEO d’Infortive, Pierre Fauquenot a pour objectif d’intervenir dans des entreprises pour aider les directions générales à entamer une transformation digitale ou à passer une étape délicate. Retour sur les innombrables expériences qu’il a vécu et sur son point de vue particulier au sujet de l’avenir du métier de DSI.
Pierre Fauquenot a début sa carrière au sein de l’entreprise ECONOCOM pour laquelle il a été directeur commercial puis directeur marketing. Après plusieurs expériences similaires, et un passage en tant que directeur général de TELMA il rentre dans le monde des SI en devenant adjoint du DSI auprès de LABINAL, un équipementier automobile et aéronautique.
Depuis 2002, il enchaîne les missions en tant que DSI de transition, notamment grâce à INFORTIVE, la société qu’il a fondé, spécialisée dans le management de la transition numérique et qui constitue la plus grande communauté de DSI de transition en France.
I) Le DSI, un architecte garant de la cohérence du SI. Pierre Fauquenot revient sur le rôle principal du DSI : celui d’un architecte SI. Il évoque les différences entre CIO, CDO et CTO et nous montre la méthode qu’il utilise pour faire en sorte qu’une DSI soit proactive et qu’elle évolue par la suite pour être au coeur du métier.
II) De nouvelles missions exigeant de nouveaux profils au sein des DSI. En tant que DSI de transition, Pierre Fauquenot nous explique comme il créé de la valeur au sein de l’entreprise et que le ROI n’est pas la seule clé qui permet d’en créer. Il met en avant les deux profils principaux de DSI : le batisseur et le gestionnaire.
III) Quels outils pour accompagner la transition de la culture d’une entreprise ? C’est en passant par la technologie et par le changement de logiciels de tel manière à incorporer l’innovation que Pierre Fauquenot tente de métamorphoser la culture d’une entreprise.
Pour Pierre Fauquenot, la plus grosse mutation dans le secteur de la transformation numérique, c’est le fait que les directions métiers n’ont plus envie d’attendre les DSI. Il y a beaucoup plus de tentations de faire du shadow IT, de faire appel à des fournisseurs qui peuvent proposer des offres technologiques (comme des extranets) pouvant intéresser les métiers.
Le rôle du DSI est néanmoins de plus en plus indispensable car il est l’architecte du système d’information de l’entreprise. Si à une époque, aux Etats-Unis, il était possible d’entendre ou de lire “CIO : Carrer Is Over”, ce qui sous-entendait que les CIO seraient progressivement remplacés par des CDO. Il n’en est rien : aujourd’hui, les CDO sont quasiment tous rattachées au DSI.
Pierre Fauquenot a identifié trois types de DSI qui peuvent être interchangeables. Un DSI d’un certain type pouvant évoluer progressivement vers un autre :
Pierre Fauquenot nous raconte une anecdote en lien avec cette structuration. Tandis qu’il était en mission, il a présenté au président adjoint son plan pour faire évoluer la DSI de ce groupe pharmaceutique. D’une DSI d’exécution, il souhaitait passer vers une DSI proactive puis une DSI cœur de métier. Cela impliquait une organisation différente de celle qui existait déjà : l’équipe de R&D/Logiciels qui dépendait de la direction industrielle devait muter vers la DSI.
Si dans un premier temps, le président adjoint n’était pas d’accord, il s’est rendu compte que pour franchir un cap supplémentaire, il était au minimum obligé de passer vers une DSI proactive.
Pierre Fauquenot nous explique que le DSI purement technique va avoir des problèmes et que la moitié d’entre eux ont ce profil. Leur difficulté principale réside dans la création de valeur qu’ils peuvent confondre avec le ROI (indicateur qu’il considère comme beaucoup trop tournée vers les finances).
En améliorant l’image de l’entreprise, en contribuant à augmenter le chiffre d’affaires, en prenant en compte l’impact sur les gens, l’impact sur la planète etc. on crée de la valeur sans parler de ROI. Avec ses collaborateurs, il a rédigé un livre blanc contenant 32 axes sur lesquels un DSI peut s’appuyer pour créer de la valeur.
De plus, il remarque que les très bons DSI sont ceux qui n’ont pas hésité à retourner sur les bancs de l’école après plusieurs années d’expérience aux côtés de directeurs généraux, et des directions métiers. C’est ce brassage qui leur permet de mieux comprendre les attentes des différents métiers au sein d’une entreprise.
Le manager de transition est extrêmement rentable en termes de création de valeur, il aide à relever l’entreprise qui est souvent au bord d’une situation de crise quant à ses SI, son IT, etc. Il ne faut pas le confondre avec un DSI intérimaire, qui lui fait de la simple de tenu de poste, il n’est là pour gérer un problème, contrairement à un DSI de transition.
Souvent, Pierre Fauquenot s’est retrouvé confronté à des directeurs généraux qui souhaitaient le conserver, sauf qu’il n’est pas dans cette optique. Il est plutôt d’accord pour développer un modèle qui selon lui pourrait être une des clés de la transformation digitale des entreprises : constituer un binôme entre un DSI de type "bâtisseur" (ce qu’est un DSI de transition) et un DSI "gestionnaire" (ce qu’est un DSI à temps plein, titulaire).
Lorsqu’il a réalisé son executive MBA, on avait appris à Pierre Fauquenot que pour changer la culture d’une organisation, trois ans étaient nécessaires. Il n’a jamais été concrètement d’accord avec cette vision : pour lui, seul un an et demi suffit. Cela est possible grâce aux logiciels.
Malheureusement, il considère que le marché du logiciel en France est en berne à cause d’un marché plus restreint, d’une faible appétence à la nouveauté, et du manque de confiance en la technologie pour combler un manque. Il existe encore des enjeux culturels, organisationnels et numériques à prendre en compte, ce qui permettrait d’accélérer la transformation digitale des entreprises.
Lors de ses missions, Pierre Fauquenot n’hésite pas à proposer un nouvel environnement à ses collaborateurs d’un temps. Cela passe par une nouvelle organisation, par de nouvelles règles, par de nouvelles façons de fonctionner, toutes irréversibles. Son objectif était tout trouvé : pouvoir partir, terminer sa mission, et que l’environnement qu’il avait créée puisse perdurer dans le temps. C’est son rôle en tant que DSI de transition.
Il considère que cette approche est universelle, qu’il est possible de l’utiliser dans toutes les directions d’une entreprise.
Dans le passé, il a souhaité mettre en place un intranet au sein d’une entreprise. Toutefois, il s’est confronté à un dilemme : l’idée devait soit émané du président, soit il devait avancer progressivement, de petits projets en petits projets pour montrer tout l’intérêt de l’informatique pour l’entreprise. Malheureusement pour lui, le président ne s’y connaissait pas en IT, il a dû s’impliquer à la réalisation de la seconde méthode, et progressivement, cela est passé.
En tant que DSI de transition, Pierre Fauquenot a été DSI plus d’une vingtaine de fois, dans des structures diverses et variées. Grâce à son expérience, il a pu remarquer toute l’importance du DSI au quotidien. Le DSI est l’acteur principal de la transformation numérique de l’entreprise, il en est même l’architecte, celui qui va permettre la cohérence du SI.
Selon le type d’entreprise, on retrouvera plusieurs types de DSI : si le DSI exécution se contente de gérer le legacy afin que les outils utilisés par les métiers leur permettent d’améliorer leur quotidien, le DSI cœur de métier doit permettre à l’entreprise d’optimiser son offre et de créer de la valeur. Cette DSI doit travailler pour gagner des parts de marché sur les concurrents, améliorer l'image de l'entreprise, contribuer simplement au chiffre d’affaires, augmenter la marge du marketing, etc.
Pour Pierre Fauquenot, les logiciels sont des outils pour accompagner la transition de la culture d’une entreprise. Si l’on change l'environnement, notamment en changeant les logiciels utilisés, on change la culture de l’entreprise. Enfin, il évoque la possibilité de mettre en place dans les entreprises qui en ont besoin, un binôme. Celui-ci serait composé d’un DSI de transition, travaillant ponctuellement pour résoudre les problèmes majeurs d’une entreprise en lien avec sa transformation numérique, et d’un DSI titulaire avec un rôle de gestionnaire.
Le podcast pour comprendre comme le métier de DSI est en train de changer. D'un métier technique à un métier orienté business, le DSI est la clef de la transformation de nos entreprises.
Chaque semaine, Bertran ruiz discute avec les CIO et DSI qui se livrent, et vous partagent leurs expériences. Un condensé de savoir et d'apprentissage.