⚠️Tout ce qui est repris ici n’engage bien sûr que lui.
Le DSI d’une culture qui change ! Cela aurait pu être le titre, clin d’œil au slogan de la Banque, de ce nouvel épisode qui explore l’agilité à l’échelle d’une grande entreprise, quatrième de la saison spéciale du podcast CIO Révolution by AirSaas : L’agilité dans l’entreprise en 2023 en partenariat avec Valiantys, partenaire Atlassian spécialisé Agile at Scale.
Qu’est ce qui ne marchait pas avant ? Pourquoi et comment ce déploiement a-t-il été envisagé ? Christophe Lepage CIO de BNP Asset Management pendant près de 7 ans revient sur les meilleures pratiques mises en œuvre au sein d’une DSI de 500 personnes avec deux sites offshore, pour améliorer le delivery, le bien-être et l’efficacité des collaborateurs. Tout un programme !
Depuis un an, Christophe est Head Of Information Technology au sein de BNP Paribas Securities Services Luxembourg.
Issu d’un parcours universitaire, tombé dans les mathématiques très tôt. Il a fait de la recherche pour BNP Paribas pour faire des modèles mathématiques sur des produits financiers. Une carrière complète au sein du groupe BNP Paribas , il a eu plusieurs métiers de la salle des marchés et a eu le plaisir de participer au déploiement de l’euro et au passage à l’an 2000, un bon cas d'école d’application de l’agilité !
Plongez avec lui et Bertan Ruiz dans les nouvelles façons de travailler dans un mode de partenariat, dans l’art de progresser en équipe et de partager l’usage de méthodes agiles dans une entreprise.
Une super dose d’inspiration pour les CIO/DSI/PMO, Directions métiers, DG, chefs de projet, coachs agile et autres experts du domaine. Bref, tout le monde !
Sommaire :
1 Une rencontre, des déclics
2 Se lancer en embarquant (vraiment) les équipes
3 Bonnes pratiques pour le déploiement de l’agilité à l’échelle - Les petites choses qui font la différence
Alors qu’il était en charge de l’intégration de logiciels dans les activités bancaires, régulièrement confronté à des dysfonctionnements sur les méthodes d’estimation, production, communication et livraison, Christophe a eu la chance de rencontrer Jeff Sutherland, l’un des pères fondateurs du Scrum.
Il découvre alors deux notions centrales : Le “timeboxing” et le “burndown chart” avec cette notion de rééstimer le reste à faire sur une projection plus que sur le passé.
C’est le déclic.
Fort de cette prise de conscience, il tente de l’implémenter dans son équipe, période à laquelle il entend bien sûr « Ça ne marchera jamais ».
Il croit néanmoins à cette autre culture. Cette autre notion de « l’engagement sur des périodes plus courtes » il en fera la promotion. Lorsqu’on travaille sur l’an 2000 ou le passage à l’Euro…Il faut être au rendez-vous !
À la notion de sprint Christophe préfère cependant celle d’itération. Pour lui la grande question étant : “avec cette itération, combien je peux livrer ?”
Pour illustrer concrètement l’idée de timeboxing et ce besoin de “juste” phasage dans les équipes Christophe Lepage emprunte au registre personnel un exemple “politiquement incorrect” d’une sortie avec sa compagne….Une anecdote parlante qui illustrera parfaitement le concept, à découvrir dans l’épisode. ^^ (à découvrir de la minute 8:51 à 10:11 )
En synthèse de cette rencontre avec une autre efficacité, pour lui, le changement porte sur le fait d’arrêter de se mentir sur les estimations en mode on avait prévu tant donc on fera tant…pour à la fin entendre il me reste 50 jours de dev…
Christophe revient ensuite sur une tentative de passer à du Lean IT un moment où on a beaucoup souffert parce que tout le monde apprenait.
« C’est en tombant qu’on apprend à marcher. Et là j’ai appris beaucoup de choses ! »
Ce qui peut sonner comme une évidence a été une seconde révélation pour lui, alors témoin d’une expérience moins réussie ; « Là c’était plutôt à marche forcée et les équipes n’avaient pas le choix. »
Il relativise néanmoins en rappelant que les méthodes n’ont pas convenu "dans ce contexte."
Et aussi, que derrière, les raisons pour lesquelles cette transfo était menée ne lui semblaient pas les bonnes. (le KPI clé était les économies et le ROI)
“Ça n’a pas marché comme prévu” confie-t-il.
Quatre ans plus tard, sur le point de devenir le CIO de BNP Paribas Asset Management Christophe se souvient d’avoir eu « une chance inouïe » juste avant de débuter dans sa nouvelle fonction...
En effet, en amont de sa prise de poste, lors d’un process d’étude sur ce qu’il « serait malin de faire » il entend lors d’une réunion de restitution un collaborateur « courageux » lui dire : « Il faut répondre ce que le chef a envie d’entendre »
Il comprend à nouveau que les collaborateurs n’étaient pas embarqués et avaient l’impression que cette transfo était faite « par et pour le management ».
Dans un contexte de réorganisation et transfo globale dans l’IT, les équipes avaient tendance à croire que c’était pour couper dans les coûts vs améliorer les façons de faire.
À cette occasion, il a pu redire que c’était bien pour améliorer les conditions de travail de l’équipe : « C’est pour vous que vous le faites » répondit-il alors.
Une fois en poste, Christophe a veillé à revaloriser le sens global, à mieux embarquer les équipes en les reconcentrant sur ce qu’elles attendaient vraiment de la transformation pour elles-mêmes.
Dans un état d’esprit plus ouvert, la mise en place des fondamentaux d’une culture agile a pu avoir lieu. Parmi les différents exemples cités par notre invité on peut retenir, la mise en place des rôles de sponsors « Un projet sans sponsor ça ne marche pas ».
Pour illustrer cet enjeu de revalorisation du sens, Christophe Lepage évoque la parabole des trois tailleurs de pierre.
Notre DSI se met dans la peau d’un promeneur, qui rencontre trois tailleurs de pierre.
« Au premier qui travaille mécaniquement sa pierre avec un air sombre et fatigué, il demande ce qu’il est en train de faire ; ce dernier lui répond qu’il taille une pierre.
Quand il pose la même question au second qui effectue le même travail, mais de façon un peu moins mécanique, ce dernier explique qu’il taille une pierre pour construire un mur.
Il s’approche alors du troisième qui semble heureux, voire radieux, où nulle trace de fatigue ne se lit sur son visage alors qu’il taille une pierre avec exactement les mêmes outils et la même technique que les deux autres. Quand notre homme lui demande ce qu’il est en train de faire, l’homme lui répond avec un large et lumineux sourire : « je suis en train de construire une cathédrale ».
C’est fort de toutes ces convictions et dans ce contexte que notre DSI a alors entamé une transformation dans sa DSI, en passant du CMMI à de l’agile sur l’agile !
Au niveau des équipes, lorsqu’il a fait ses premières réunions pour présenter l’agile, il a reçu plusieurs retours auxquels il ne s’attendait pas et a ressenti le besoin d’adapter sa présentation pour clarifier le message avec trois idées clés :
Au niveau du comex, il a présenté les valeurs clés et les drivers du déploiement :
À tous enfin, pour faire preuve de pédagogie et de clarté, avec beaucoup d’humour il a partagé deux convictions autour de la culture agile, qu’il résume autour de deux devises :
« Beaucoup de gens pensaient qu’en étant flexible en changeant de priorités on était agile ! La flexibilité voulant plutôt dire qu’au final, on ne va pas y arriver. Utiliser des méthodes agiles ne signifie pas ne pas spécifier mais spécifier autrement et se tenir à ce qu’on a dit ! »
L’état d’esprit collaboratif entre IT et Business est le plus important.
Au-delà des grands principes et retours d’expériences évoqués, Christophe partage avec nous une série de bonnes pratiques, “petits” leviers d’un déploiement efficace dans son contexte.
L’idée derrière est d’être à la fois vigilant pour adapter les durées et formats des formations et coaching proposés à chaque contexte et en fonction des besoins de chaque équipe.
« Tous préparent la même course, mais chacun avait ses besoins d’entraînement propre. Pas besoin d’être tous en même temps au même degré de maturité. Tout le monde y arrivera, chacun à son rythme.»
Autre point clé sur la formation à l’agilité, pour Christophe, elle concerne tout le monde. Et pas seulement l’IT, mais aussi les experts Métiers et le top Management.
“Il faut être sûr que ces valeurs et changements de paradigmes soient assimilés par l'équipe”
Si l’un vient à manquer, Christophe souligne qu’il annule alors la session.
Confronté à des réticences sur la culture agile, parfois perçue comme un “b….l” du point de vue managérial. Christophe relate une expérience vécue sur la partie budgétaire. Un moment au cours duquel il a établi un deal “gagnant-gagnant” avec son DG de l’époque.
Il a échangé un retour de 10% de son budget de run contre aucun retour sur chacune des transfos.
Cet accord « a détendu l’équipe en quelque sorte car il n’y avait pas de coupe budgétaire sur un projet », mais sur un fonctionnement, une optimisation générale.
Ils sont allés vers une allocation plus souple et dynamique des ressources.
“L’idée était de ne pas entrer dans la transfo sur un projet trop long, ni à trop faible impact, mais bien, à la fois de “s’appuyer sur des échelles trimestrielles qui créent un meilleur lien”.
Tactiquement Christophe était à la recherche d’un "POC to Win" à fort impact. Pour y arriver, il a également demandé aux métiers de mieux gérer leurs priorités, cela a permis de sortir du « je veux tout » !
Ce nouveau découpage permet de sortir des projets très longs et mal « côtés », a ouvert les chakras et redonné de l’allant aux équipes qui étaient dans l’effet tunnel.
“Un projet super rapide qui marche ça fait beaucoup de bruit” souligne-t-il
À plusieurs reprises Christophe a fait part d’expériences ou le courage managérial de dire non a été nécessaire. Dire non aux clients bien sûr, et aussi aux directions métiers et au comex ! Il raconte notamment une anecdote alors qu’il présentait les valeurs et drivers du déploiement agile au comex il a souligné ce qu’il entendait concrètement par être partenaire du business. “Cela veut dire que l’on a droit de vous dire NON ! Cela demande des efforts des deux côtés, le métier d’accepter qu’on lui dise NON et l’IT d’être le plus transparent possible.”
Après un long blanc…Le patron a dit : “Tu as raison”. ^^
Pour lui, ce soutien fort du DG et CIO auprès des équipes est fondamental. Les équipes se sont senties soutenues. “Ce sont ces petites choses qui font la différence” confie-t-il.
Accepter de perdre du temps pour en gagner, c’est l’un des autres retours d’expériences partagé par Christophe. Il raconte que tous les trimestres avec des coachs agiles, les équipes, et le partenaire éditeur provider externe, ils ont mis beaucoup d’énergie et de convictions pour travailler sur des ateliers et recréer de la cohérence, régler des conflits.
Cela s’est révélé porteur lors d’un (gros) projet de refonte du cœur du système ou il était prévu l’arrêt de 50 systèmes pour en créer 10. Le tout avec une équipe de 120 à 140 personnes. Là où d’autres banques ont eu un déploiement dépassant les 3 ans, ils ont réussi en 2, et avec un budget 5 à 6 X inférieur ! CQFD.
Enfin, Christophe a partagé l’initiative « Change Angels » lancée pour donner les moyens aux personnes de l’entreprise de travailler sur des sujets qui peuvent améliorer leur quotidien ou le quotidien collectif, en adressant des irritants ou en explorant de nouvelles idées contribuant au bien-être de l’entreprise.
Le format est le suivant :
Des petites équipes pluridisciplinaires de 4/5 volontaires, avec l’aide d’un coach “pour rythmer l’histoire” :
“Créer une expérience agile a fait passer la notion d’agilité de façon plus forte dans l’entreprise”.
Le podcast pour comprendre comme le métier de DSI est en train de changer. D'un métier technique à un métier orienté business, le DSI est la clef de la transformation de nos entreprises.
Chaque semaine, Bertran ruiz discute avec les CIO et DSI qui se livrent, et vous partagent leurs expériences. Un condensé de savoir et d'apprentissage.