Bien avant les 100 premiers jours du DSI, ce "buy in" initial par la Direction Générale des partis pris du DSI a permis à Frédéric Mai, actuel DOSI du groupe Homeserve de ne pas "avancer masqué" par la suite. Il revient sur le pacte qui lui a permis de poser en amont, de solides fondations pour une transformation agile, reliant (vraiment) tech et métier.
Tout se joue avant ! Cela aurait pu être l’autre titre de cet épisode n°74 de CIO Révolution troisième de notre saison spéciale : “L’agilité dans l’entreprise en 2023” en partenariat avec Valiantys, partenaire Atlassian spécialisé Agile at Scale.
Dans ce numéro, nous avons reçu Frédéric Mai véritable DSI “full stack” qui additionne les rôles. Il est en effet DOSI en charge de la transformation, de l’organisation et de l’IT de Homeserve pour la France et la Belgique. Il a rejoint Homeserve il y a environ cinq ans après un parcours dans le conseil et puis assez rapidement, à la tête de directions informatiques, de directions digitales, de directions d'organisation et plus récemment de direction de la transformation digitale.
HomeServe est une société basée à Lyon qui propose des services de sécurisation de domicile pour éviter les sinistres. Une offre de travaux, d’installation des équipements et de réparation des pannes. On est dans le secteur de l’assurance / assistance.
En quelques chiffres : HomeServe a 20 ans, 1 000 salariés, plus d’1,3 millions de clients et réalise une intervention toutes les deux minutes en France “au service de la durabilité des équipements de l’habitat”. L’entreprise s'appuie sur un réseau de plus de 4000 professionnels sur le terrain, experts en plomberie, électricité, électroménager, gaz et solutions de chauffage et de climatisation.
Avec Frédéric Mai, son DOSI on va s’intéresser aux coulisses de la mise en œuvre d’une transformation profonde qui fonctionne ! Une transfo pilotée par la réinvention des parcours clients, et non pas par la volonté de renouveler des briques technos. Le tout dans un cadre de valeurs agiles et un modèle d’exécution en “Product Teams” sans silo entre IT et métiers.
Un épisode à écouter pour ceux qui douteraient encore de la nécessité de créer ce fameux cadre organisationnel nouveau qui vient bouleverser et changer le logiciel interne de l'entreprise en s’appuyant sur l’agilité et des relations humaines basées sur la confiance. Tout un programme !
Au micro de Bertran Ruiz, Frédéric Mai est revenu sur ce tout ce qui s’est joué avant d’être recruté. Comment, grâce à une discussion constructive et libre, il a pu s’accorder avec son futur DG pour éviter un malentendu. Comment, en étant très spécifique et clair en amont sur les critères clés d’une mission de transformation, ils ont créé les conditions d’une réussite, une sorte de pacte de performance de la transformation.
« Chassé » pour rejoindre Homeserve, notre candidat DSI a porté une attention particulière a un point précis : le futur fonctionnement global au sein des équipes portant le projet de transformation.
Au-delà des discussions sur le salaire, le budget de la DSI, l’entreprise, il a discuté en détail des critères “d’acceptation” basés sur le futur fonctionnement agile, sorte de pacte de performance de l’entreprise.
Si Frédéric confie également avoir été sensible à une vraie rencontre avec le DG, a une écoute et une compréhension. Pour autant il a également su être très spécifique dans cette phase de négociation préalable “Tout checker et aller dans le détail” .Car oui il ne s’agit pas seulement d’un échange conceptuel général. Tout le monde sera d’accord sur le fait qu’il faudrait lâcher prise ou faire de l’agile pour se transformer !”
Concrètement, grâce notamment à la réalisation d’une étude de cas, un format qu’il a pris avec gourmandise, Frédéric a exposé sa vision de la transformation d’entreprise, la nécessité de s’ouvrir vers des filières un peu plus BtoC notamment. En pratique, il a par exemple proposé un cadre d’action avec un lâcher prise sur trois axes :
Détacher et dédier des gens aux transformations avec l’enjeu plus complexe d'expliquer à la couche managériale quelle aura un rôle différent, et qu'elle ne devra pas interférer avec le rôle que vont prendre ces propriétaire du produit qui allaient porter les transformations.
Il a souligné l’importance d’ apprendre à se satisfaire de choses imparfaites, de rester focalisé sur la valeur et les clients versus une “sur complexité”.
Un point qui d’après lui n'est pas toujours facile à comprendre parce que “cela peut donner l'impression qu'on ne fait pas le job jusqu'au bout”. Ce point a permis à Frédéric d'être assez rapidement dans le concret.
“Mon boss était conscient que la façon traditionnelle de mener les transformations avec un début, un scénario, un milieu, une fin, des choses très prévues d'avance, des équipes qui se passent le relais du début à la fin, des donneurs d'ordres, des exécutants, ce n'était pas le modèle qui allait nous permettre de nous transformer.”
Enfin, Frédéric s’est accordé sur le périmètre même du poste…Il n’est pas DSI…mais bien en charge de la transformation, de l’organisation et de l’IT !
Pour lui, cela voulait dire que son DG avait déjà conscientisé le fait que ces métiers là sont non seulement liés mais se portent l'un l'autre. “Tu ne peux pas mettre en place des systèmes si c'est juste des systèmes. Tu ne veux pas prétendre digitaliser l'entreprise si juste tu embauches des développeurs pour faire des sites web. Ce sont des logiques de parcours, des logiques qui évidemment viennent bouleverser et changer le logiciel interne de l'entreprise.”
“Quand tu es clair en amont, au moment où tu dis je suis partant avec ça comme contrat de fonctionnement, quand tu arrives et que tu le fais, même si tu n’as pas carte blanche, tu rends des comptes, tu te sens fort et soutenu”
“À partir du moment où on se dit que c'est le patron de la Transfo et de l'IT qui s'occupe des projets, c'est déjà le début du commencement de l'échec.”
Tous porteur de l’ambition de transformation
Frédéric souligne qu’une fois en fonction et pendant toute cette période qui a duré pratiquement deux ans. Il a veillé à s'assurer que chacun était bien conscient non seulement de ce qui était en train de se passer, mais était moteur, engagé, avait conscience de son rôle, et puis le jouait !
“ On a toujours dégagé une force collective et on l'a fait non seulement parce que il y avait ce “Buy in” originel, mais aussi parce qu'en effet chacun était engagé sur une aventure un peu collective dans laquelle chacun avait son propre rôle à jouer. La transfo ce n'était pas “mon problème”, pour moi, ça, c'est fondamental.
« Quand il fallait effectivement prendre des décisions, on ne faisait pas trois réunions pour caler un meeting, on a pris des décisions très régulièrement et de manière fluide ».
Frédéric rappelle que : “Même s’il y a eu des discussions parfois animées, le Comex a toujours été acteur de cette transformation “ Tous dans la mélée et chacun dans son rôle”.
Avec cette métaphore rugbystique on reconnaitra presque l’influence du “scrum” (mélée en français :)
Autre métaphore choisie par Frédéric, celle de la poule et du cochon pour transmettre sa vision d’une juste coopération.
Cette fable raconte l’association d’une poule et d’un cochon pour créer un restaurant et servir des omelettes aux lardons. La poule contribue puisqu’elle fournit des oeufs. De même, le cochon contribue puisqu’il fournit des lardons. Néanmoins, ils ne contribuent pas à la même hauteur ! La poule est concernée. Le cochon, quant à lui, est impliqué : sa participation est autrement plus engageante !
Cette métaphore rappelle l’importance de rapports équilibrés dans toute association.
Si vous êtes le cochon,vous n’avez pas intérêt à y aller. Si vous êtes “poule” non plus pour ne pas profiter d’une situation déséquilibrée et artificielle.
“Ça s’est bien passé parce que mon boss m’a toujours soutenu pendant la phase d’exécution! Si les membres du comex ou les équipes sentent que tu n’es pas soutenu ils s’engouffrent.”
Pour Frédéric, s’accaparer seul la transformation “ça ne peut pas être ça l'histoire”. Même s’il assume un rôle moteur et notamment le fait qu’il a “prescrit tout un tas de solutions qui permettent à l'entreprise de transformer de l'intérieur”. Pour lui la transformation de l'entreprise, c'est d'abord celle des patrons métiers. “C’est fondamental que très vite tout le monde le comprenne. Et à partir du moment où bizarrement, le patron métier est engagé, et bien les choses se passent très très bien”.
Bénéficier du syndrome post « traumatique » après un projet “catastrophe industrielle”
Arrivé après un accident industriel sur un gros projet comparable dans une société cousine, Frédéric a sans doute bénéficié d'un bon timing également. “Cette expérience a bénéficié aux équipes, au Président et au COMEX, et a, d'une certaine manière, vacciné contre une certaine façon de faire des grands projets.”
L’agilité c'est un truc qui marche
Au regard des statistiques et des constats courant qui circulent sur la vie des projets c’est plaisant d’entendre un DOSI dire :
“On est en train de bien réussir notre transformation sur toute la. Sur toute la profondeur de l'entreprise”.
Lâcher prise sur “le chemin” et s’adapter en continu
“J'ai passé trois mois à expliquer à tout le monde que ce serait une vue de l'esprit que de croire et de prétendre que je pourrais présenter un scénario de déploiement. Parce que par définition, on savait où on allait arriver. Mais les différentes étapes pour y arriver allaient se construire mois après mois, trimestre après trimestre.”
Frédéric rappelle donc qu’il n’a pas produit de scénario budget et planning de déploiement ! À la question qui arrive toujours : “c’est quoi le planning ? Dans un monde ou historiquement les chefs de projet donnaient l'impression qu'on pouvait maîtriser tout ce qui allait se passer…Il prenait parfois un malin plaisir à répondre “je ne sais pas et c’est ok !”
Au-delà de la légère provocation, il a réussi à assumer ce “je ne sais pas” tout en apportant un éclairage et du sens à cette réponse bien sûr !
Frédéric indique néanmoins qu’il avait “un peu scénarisé ce qui allait potentiellement se passer dans les trois mois, dans l'année, dans les 36 mois”. Assumant le côté “boule de cristal” de ce type d’exercice parfois, il a essayé d’être assez spécifique sur des choses dont il savait qu'elles seraient en rupture.
Il rappelle qu'en vérité “c'est quand tu es lancé avec les manches retroussées que tu peux vraiment engager les uns les autres sur des choses qui les concernent”. Par exemple avec la DRH, il a vraiment commencé une fois en fonction à se poser la question d'identifier des nouveaux rôles, typiquement le P.O. et la mise en place les nouveaux modèles d'organisation avec des gens qui sont détachés, dédiés et donc déchargés par ailleurs !
Le pilotage par la valeur devient l’alpha et l’oméga
Autre levier d’alignement et principe d’action, la valeur est devenue un fil d’ariane tout au long de la transfo. Pour Frédéric : “La notion de valeur est fondamentale, il n’y a rien de plus fédérateur que de raisonner valeur, c’est extrêmement simple et un baromètre qui parle à tt le monde”
Il résume ce changement de paradigme en parlant de l’impact. Il évoquant l’importance de mesurer la valeur livrée ; ”Je délivre des outcome vs output !”
La principale différence entre outcome et output, se situant dans la mesure qu'on en fait. Les outputs sont faciles à mesurer et il est facile d'évaluer leur réalisation (oui ou non). Les outcomes se mesurent avec plus de finesse, car ils sont plus subjectifs.
La transparence “by design”, plus qu’une valeur, un principe exécutable
Dernier retour d’expérience, Frédéric souligne que le niveau de transparence a été extrêmement élevé pendant toute la transfo. Un principe exécutable et l’une des clés de succès de ce genre de framework. : “Il y a eu des problèmes, il y a des choses qu'on a ratées et c'était OK en fait. Et ça a été remonté à tout moment.
Il précise évidemment, qu’un un certain nombre de choses était traité au niveau de l'équipe directement. “Il n'était pas question non plus de devenir une chambre d'enregistrement de tous les faits et incidents d'une transformation qui a concerné des dizaines de personnes par an pendant plus de deux ans. Mais chaque événement un peu significatif était partagé finalement avec l'ensemble du Comex.”
Il insiste sur le fait que lorsqu’un COMEX est acteur, tu peux lui faire prendre des décisions rapides, éclairées et du coup utiles pour une transformation d'entreprise. Donc dit autrement, la transparence et la réactivité sont des principes clés.
“On a été acteurs pendant l'ensemble de la transformation, on n'était pas là simplement à dire ah bravo, ça c'est top, ou ça non ! Pas du tout, on a été acteurs parce que comme on était très régulièrement nourri par les équipes sur ce qui se passait, sur les difficultés rencontrées, sur les changes et les arbitrages requis. Chacun dans son rôle, mais dans la mêlée.”
Pour Frédéric ce changement de posture commence “par en haut”. C’est quelque chose qu'il a réussi à déverrouiller notamment grâce à la disponibilité des membres du Comex.
Frédéric le souligne : “Personne ne s'offusquait du fait qu’on passe en force dans les agendas. Tout le monde était conscient que quand tu mets quelques millions sur la transformation, par définition ça devient le sujet critique du moment.”
Notre DOSI porte la conviction qu’un changement culturel est en jeu lorsqu’on parle de transformation en entreprise. Il remarque que les membres du comité exécutif se sont mis au service des équipes.
Frédéric, son DG et les équipes sont en train de réinventer leurs métiers, leurs produits, de simplifier leur processus, de créer plus de valeur pour leurs clients !
Le podcast pour comprendre comme le métier de DSI est en train de changer. D'un métier technique à un métier orienté business, le DSI est la clef de la transformation de nos entreprises.
Chaque semaine, Bertran ruiz discute avec les CIO et DSI qui se livrent, et vous partagent leurs expériences. Un condensé de savoir et d'apprentissage.