Mon objectif en tant que DSI, c'est d'adapter en permanence notre compétence digitale à notre stratégie digitale, pour qu'on soit capable de faire le plus de chose possible. Et c'est une course très probablement sans fin...
Le rôle du DSI, c'est d'éviter de se retrouver devant un mur. De faire éviter l'iceberg au Titanic. Et ce n'est pas le tout d'avoir une longue vue, il faut aussi savoir l'expliquer au reste du navire....
En ayant travaillé pour de grandes entreprises issues du CAC 40, Yves Caseau sait comment mener une transformation numérique afin qu’elle impacte toute l’entreprise. Dans cet épirosde, il revient sur les rôles d’un DSI, les problématiques auxquels il est confronter, et le pilotage de ses équipes.
Ancien étudiant de l’ENS Ulm, titulaire d’un doctorat en informatique et d’une habilitation à diriger des recherches, auparavant DSI et directeur général adjoint de Bouygues Télécom, passé par Axa en tant que Head of Digital, Le parcours d’Yves Caseau est assez impressionnant. Il est aujourd’hui le CDIO (DSI et CDO) du groupe français Michelin, leader mondial de fabrication de pneumatiques.
I) Démarche proactive & culture de la responsabilisation : comment piloter une DSI de 3 500 collaborateurs ? De la restructuration de ses équipes à la relation existante entre les équipes IT et les directions métiers, Yves Caseau explique comment la démarche proactive qu’il a mis en place permet de piloter la DSI d’un grand groupe.
II) Un DSI confronté à des problématiques à la hauteur de la stratégie digitale de Michelin. En intégrant le groupe Michelin en tant que DSI, Yves Caseau a du s’adapter à la stratégie mise en place par le comité de direction et répondre aux problématiques liés à des sujet comme la dette technique ou la course aux compétences.
III) L’évolution du rôle de DSI au fil des années. Avec l’arrivée de nouvelles techniques et de nouvelles innovations, les DSI ont du s’adapter et réajuster leur rôle auprès de leurs équipes, du Codir et des métiers pour faire avancer le “paquebot”.
Il y a maintenant cinq ans, le groupe Michelin a souhaité fonder une direction digitale afin d’accélérer la transformation digitale et créer une rupture dans les modes de travail et les technologies, en synergie avec la DSI. Quelques années plus tard, avec le départ du DSI historique de l’entreprise, les deux entités digitales et DSI ont été réunifiés afin d’aller encore plus loin. Pour Yves Caseau, il n’y a pas de structure optimale entre les deux, l’organisation dépend seulement du cycle de maturité.
Ce processus de “rapprochement” des deux équipes se passe pour l’instant bien. Toutefois, il n’est pas dans une optique d’une unification totale. Il souhaite conserver des caractéristiques d’agilité, de rapidité, de proximité avec les clients, qu’il pourrait perdre s’il fusionne certains de ses pôles. C’est ce qu’il appelle l’osmose des cultures.
Du côté de l’IT, il compte près de 3 000 collaborateurs contre “seulement” 500 du côté de l’équipe spécialisée digital, pour un total de 3 500 internes et externes et un budget de 600 millions d’euros. Un des avantages réside dans le fait que les deux anciens pôles partageaient le même objectif, celui d’une transformation digitale réussie.
Et pour y parvenir, il faut réussir à travailler de concert avec les directions métiers. Pour Yves Caseau, c’est aux équipes projets et aux équipes IT d’aller vers les utilisateurs et pas l’inverse.
Il conseille généralement à ses équipes d'aller observer sur le terrain comment les métiers travaillent : il est plus facile de les impliquer de cette manière plutôt qu'en leur demandant de se libérer du temps pour réfléchir à leurs difficultés de manière abstraite. Plus les collaborateurs de la DSI seront dans une démarche d’observation, plus il sera facile pour eux d’avoir du temps pour discuter avec les directions métiers.
Il note également que si les postes des agents IT réellement sur le terrain sont en général ceux avec le moins de pouvoir sur le papier, ce sont pourtant eux qui jouissent d’une grande légitimité auprès des métiers, et donc ceux qui sont les plus aptes à guider un changement. Il est d’ailleurs plus facile d’avancer et de faire évoluer un produit grâce à des retours d’expériences, progressivement, par petites itérations, qu’en réalisant un immense projet.
Yves Caseau considère qu’il ne pilote pas concrètement sa DSI composé de milliers de collaborateurs. Il voit plutôt son rôle comme celui d'un facilitateur : il s’assure que ses équipes soient dans de bonnes conditions pour apporter de la valeur sur le terrain. Cela passe par une forte culture de responsabilisation. La valeur directe n'est pas dans le pilotage des équipes, mais bien dans la main des métiers. Toute la complexité de son travail réside donc dans le fait qu'il doit être capable de fournir, dans un monde qui bouge sans arrêt, l'accès accès aux bonnes informations et aux bonnes compétences, au bon moment.
Le fait de mettre à jour l’ensemble des vieux systèmes utilisés par les différentes directions métiers d’une entreprise est un processus long qui amène involontairement la plainte des opérationnels, et ce, même si la DSI sait pertinemment ce qu’il faut faire. Cette dette technique se transforme alors en jour-homme nécessaires pour faire les changements adéquats.
L’autre dimension se mesure au niveau du portefeuille financier et opérationnel. Ca peut se traduire par des coûts de maintenance plus élevés, des coûts d’exploitations qui grimpent, ou des coûts de cybersécurités qui augmentent.
Yves Caseau a essayé de réconcilier ces deux approches en évoquant l’ambition forte de Michelin : croissance et digitalisation, qui demandent une rapidité, une agilité pour nettoyer certaines techniques. Et pour obtenir une qualité de service que tout le monde attend chez Michelin car leurs clients l’attendent, ils ont aussi besoin de le faire.
Au sein de la DSI de Michelin, l’avancement stratégique est mesuré à l’aide de plusieurs indicateurs correspondant à la vision, la résilience, la performance, la qualité de service, l’agilité ou encore la simplicité. L’objectif est de savoir si lui, avec l’ensemble de ses collaborateurs et compte tenu des compétentes présentes, est capable de proposer le meilleur outil de digitalisation possible.
Le monde digital est caractérisé par une grande présence du logiciel et un taux de changement très rapide. Développer les bonnes compétences, c’est s’exposer en permanence, exposer ce qu’on fait à d’autres, et vice-versa. La DSI de Michelin s’assure d’être en contact avec ses clients, ses fournisseurs, des écosystèmes divers et variés, pour pouvoir montrer aux yeux de tous, leurs qualités. C’est en apprenant des autres et en se positionnant qu’Yves Caseau considère que ses équipes peuvent progresser.
Le DSI doit également savoir expliquer ses coûts à ses parties prenantes, pour qu’ensemble, ils puissent prendre des décisions concrètes et de bon augure pour l’avenir de l’entreprise. Lorsque l’on prend des décisions de transformation numérique, ça demande de la confiance et de la pédagogie, qui passe par le dialogue avec les partenaires métiers.
Yves Caseau propose une analogie couplée à une métaphore filée : il compare les grands groupes à des paquebots qui sont de véritables mastodontes dont l’avancée reste lente.
La plupart des situations difficiles lorsque l’entreprise est confrontée à un défi stratégique qui lui demande de mobiliser beaucoup d’énergie alors qu’en réalité, elle doit assumer l’ensemble des choix du passé. Le rôle du DSI est d’éviter de se retrouver devant un iceberg : il doit alerter le Codir et l’informer de l’ensemble des trajectoires que la transformation numérique peut prendre dans les années à venir. Si on a une conviction forte mais qu’on ne sait pas l’expliquer, il sera difficile de faire avance le paquebot. Si on arrive à fournir les bonnes explications, il sera possible, tous ensemble, métiers, codir et DSI, de tourner le gouvernail dans le bon sens pour éviter l’iceberg.
Le DSI d’il y a quinze ans n’avait pas le même travail que celui d’aujourd’hui. Yves Caseau explique cela par le rythme de changement, plus soutenu, qui fait que l’acquisition des compétences est un enjeu fondamental. De plus, la création de valeur se fait sur le terrain, de manière très distribuée. Toutes ces raisons font que le DSI n’a plus un rôle de “contrôleur” mais de “facilitateur”, de "favorisateur”.
Que ce soit dans une PME, une ETI ou dans un groupe du CAC 40, aller au contact des métiers est primordiale pour pouvoir mener des projets concrets. Plutôt d’attendre de comprendre les besoins, Yves Caseau est dans une démarche proactive où il n’hésite pas à conduire le changement grâce au dialogue avec les directions métiers pour comprendre leurs envies et avoir un meilleur taux d’adoption.
Yves Caseau dit ne pas piloter ses équipes : il essaie de faire en sorte que chacun de ses collaborateurs soit dans les meilleures conditions afin qu’ils puissent apporter de la valeur dans les projets qu’ils réalisent. Il l’assume, il a un rôle de facilitateur qui lui sert à faire améliorer les compétences de ses équipes afin qu’ils soient plus efficaces à l’avenir.
Au sein de grands groupes comme Michelin, la transformation numérique est lente et fastidieuse, comparable à l’avancée d’un paquebot en haute mer. Afin d’éviter l’iceberg, tout prévoir n’est pas nécessaire, il est important de savoir expliquer l’ensemble des chemins que peut prendre l’entreprise sur le long terme selon les projets qu’elle va mener.
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