J’ai vu des carve-out prendre des années ! On ne trouvera un acheteur que si on est capable de mettre en valeur la nouvelle entité. Tout ça se prépare. Il va falloir valoriser l’activité IT. La rendre plus ou moins autonome et expliquer dans la documentation de projet comment on va finir la mise en autonomie.
Les successions de crises sont, pour de plus en plus de grands groupes nationaux et multinationaux des opportunités de mener des opérations de désinvestissement ou de restructuration afin de se concentrer davantage sur leur cœur de métier.
Un « carve-out » (ou « détourage ») est une opération qui implique l'identification et la séparation de l'unité commerciale ou de l'entreprise de la société mère, et la transition de l'unité ou de l'entreprise à un nouveau propriétaire.
Dans le cadre de l’IT, tout est dans la préparation, en amont de l'exécution ! Un processus de carve-out l’informatique / systèmes d'information est clairement sur le chemin critique.
Au cours des 15 années d’expérience dans des fonctions de DSI Thierry Haro a développé des compétences en management d’équipes internes multiculturelles, en gestion de portefeuille de projets, de l’externalisation et de la sécurité des SI. Depuis une dizaine d'années, il est spécialiste des opérations de carve-out et fusion-acquisition (plus de 30 projets : due diligence, fusion, JV, détourage) et des projets SAP (depuis 25 ans).
Il est l'invité du podcast CIO Révolution - saison spéciale “Le DSI de transition pour affronter les crises” en partenariat avec Infortive. Il revient, au micro de Bertran Ruiz, CEO d’AirSaas, sur son expertise des carve-out IT et fusions acquisitions du point de vue du vendeur et de l’acheteur.
Cet épisode vous fera découvrir les coulisses d’un carve-out de système d’information en particulier avant la signature du contrat de TSA (l'exécution). Cette partie, post TSA est abordée dans l’épisode “Comment bien exécuter un carve-out / Fusion ?”, cf. podcast avec Jérôme Marsaud DSI de transition. Bonne lecture de résumé et bonne écoute !
Une opération de « carve-out » (ou « détourage ») est la cession par une société ou un groupe de sociétés d'une branche d'activité.
Le problème du détourage du système d'information (on parle de "carve-out informatique") est une partie clé de la transaction globale, qu'il convient d'encadrer, si possible avant ou en même temps que la cession elle-même.
En temps de crises énergétique, covid, économique, géopolitique, émergent des opportunités de croissance externe et/ou de se séparer d’un actif non stratégique qui ne serait pas au cœur du métier.
Le vendeur va alors devoir préparer cette opération. Et lorsqu’on vend un actif, une entité, celle-ci n'a pas forcément d’existence au sens système d’information et juridique du terme. Il peut s’agir d’une ligne de production, d’une business unit, d’un établissement etc.….Il va donc falloir le déconnecter, le “détourer” des systèmes d’info. du vendeur. C’est ici qu’une direction générale fait appel à l’expertise d’un DSI de transition expert nous explique Thierry.
Il y a un document très important dans la transaction, c’est le transitional service IT agreement qu’on appelle (TSA). Ce contrat de services transitoires est le corollaire du plan de détourage. Il prévoit les conditions dans lesquelles la société cédante (ou, souvent, sa filiale IT) s'engage à fournir provisoirement à la société ou branche cédée, les services informatiques dont elle bénéficiait avant de devenir étrangère au groupe. Dit plus simplement : les services que le vendeur va continuer d’offrir pendant la transition.
Le projet corollaire du carve-out sera l’intégration, en anglais “post merger intégration”.
Phase durant laquelle on va se retrouver à intégrer ces nouvelles entités dans une roadmap.
Le coût de l’intégration sera potentiellement compensé par des économies d’échelle.
Dans certains groupes habitués au processus de fusions-acquisitions on collectionne les entités autonomes en termes de SI. Chacune des deux démarches de SI fusionné ou indépendant a ses avantages et inconvénients. Cela dépendra de la stratégie d’entreprise.
Quels sont les besoins à adresser et les principaux cas de figure ?
Du côté du vendeur, il va falloir donner une existence à l’entité, au sens système d’information.
Du côté de l'acheteur, il va falloir travailler sur la stratégie, le plus souvent ça se fait pendant la période de due diligence,ou on évalue la faisabilité du projet. Durant cette opération du côté de l’acheteur il va falloir se poser la question de ce que l’on va faire de cette entité.
Deux cas de figure sont à distinguer. Premier cas : l'acheteur est une société qui a un métier proche du métier cible. Dans ce cas, il va tenter de l’intégrer. Il va faire en sorte que cette entité-là vienne s'ajouter à ses systèmes d’information pour bénéficier de synergies.
Par contre, si l'acheteur est un fonds d’investissement, il va falloir que cette entité reste autonome, c'est-à-dire qu’elle ait son propre système d’information avec lequel elle va opérer.
Dans les faits, tout va dépendre de la stratégie et de la roadmap dans laquelle on va s’insérer.
Si l'acheteur est un grand groupe, il a sa propre stratégie, il a décidé qu’il déployait le même ERP sur tous ses sites, avec le même core model, ce n’est jamais qu'un projet de déploiement et on va tout harmoniser.
Si l’acheteur achète une cible qui a une taille à peu près équivalente à la sienne, on peut se retrouver dans des situations d’adoption. C’est-à-dire que le SI de la cible sera préféré au SI de l’acheteur. Dans le carve out on va garder les SI qui ont été vendus et l’acheteur va garder ce système d’info dans le futur. La mission de transition peut aussi être une mission de direction de projets. Pour être le chaînon manquant, qui coordonne les activités des DSI de l’acheteur et du vendeur.
Du point de vue démarche le manager de transition travaille d’un côté ou de l’autre. C’est-à-dire ou du côté du vendeur ou du côté de l’acheteur. “Je n’ai jamais eu à intervenir en étant au milieu” remarque Thierry.
“Ce qui est passionnant dans ce genre d’approches c’est que l’on ne fait pas que de l’informatique. Il y a des problèmes juridiques, des problèmes de ressources humaines et pas simplement de cartographie applicative et comment on va gérer les nouvelles interfaces.”
Revenant sur les compétences clés du manager de transition, dans le cadre d’un carve-out, Thierry Haro le rappelle, tout s’accélère dans ces moments-là. Il faut s’attendre à tout. On ne va pas du point A au point B de manière linéaire. Tout peut arriver !
Comment s’y prend-on pour réaliser un carve-out efficace ?
Une opération de ce type commence toujours par un plan stratégique, puis un plan d’action. “Le plus tôt sera le mieux” souligne Thierry Haro ! “L’idéal c’est quand le manager de transition a été “onboardé” très en amont”. L’opération est en effet un peu une course contre la montre. La durée moyenne d’une mission avant signature peut être assez rapide. Après la signature, on peut être sur une mission de 12 à 18 mois.
Si le vendeur ne s’est pas préparé et entraîné avant, les risques sont importants. L’entité se retrouve alors au pied du mur. L’organisation a été vendue, et dans six mois se retrouvera coupée de la maison mère…Il faut à la fois qu’elle continue et qu’elle change ses habitudes pour disposer d’un système d’information autonome.
Y a-t-il des points de vigilance particuliers ?
Le travail sous “NDA” représente une contrainte forte. En effet, l’opération ne devient publique que lorsqu’elle est signée. “Et à partir de la signature, l’enjeu clé consiste à rassurer les équipes. On va proposer à certaines personnes de suivre et intégrer le nouveau groupe ou bien de rester sur les projets de l’entité vendeuse. Cependant, personne n’est garant du futur dans ce genre d’opérations. On ne peut pas prendre des engagements. Un manager de transition n’engage que lui !”
L’un des autres points de vigilance dans ce type de mission c’est que parfois la stratégie peut être décidée au niveau international et qu’elle doit être appliquée en France.
“Quand la décision a été prise à San Francisco et que tu te retrouves avec deux petites usines en France et qu’on ne s’est pas intéressé aux cas particuliers, la partie légale a alors très souvent été négligée, le caractère suspensif de l’avis du CSE est alors découvert. On prend le risque d’un délit d’entrave.”
Pour Thierry Haro, cette partie technique n'est pas la plus compliquée à comprendre et à cerner… En termes d’approche il va essayer de comprendre quelles sont les dépendances dans le SI ? Où sont les interfaces, puis quel est le degré d'automatisation de ces traitements d’interfaces et surtout est-ce qu’on est sur un mode récent avec des API et web services ou, est-ce que tout a été développé en code spécifique avec des échanges de fichiers entre les systèmes? Et suivant la manière dont les systèmes sont intégrés, et donc l'âge, on va avoir des stratégies différentes. Le transfert de personnel avec mise à disposition de certaines personnes clés peut d’ailleurs faire partie du TSA.
“Dans le cas d’un rachat par un fonds d’investissement, il y a rarement des directions de système d’information intégrées. Il va falloir alors monter une équipe avec des compétences qui sont des fois d’un autre âge type AS400. On va se retrouver dans des situations complexes avec des compétences à mettre en place rapidement dans un marché de l’emploi très tendu.”
Le cas particulier de la gestion des licences ERP dans le cadre d’un carve-out
Éléments à prendre en compte important : les licences de logiciels sont des objets juridiques particuliers. Ce sont des licences de droit d'usage. Et elles ne sont pas cessibles. Donc il faut négocier avec les éditeurs de logiciels. Thierry revient sur ce cas particulier en expliquant que si on a déployé un ERP sur l'intégralité d’un groupe et que l’on en vend la moitié, on va quand même garder toutes les licences de l’ERP. L’acheteur aura lui aussi à acheter des licences, car le cédant ne peut les lui vendre.
“Il y a un énorme business pour les éditeurs d’ERP, c’est du pain béni : ils revendent des licences déjà vendues”.
Thierry conseille donc d’anticiper ce point en négociant à un moment où tu n’es pas contraint par le temps, lors de l’achat initial, une clause de cessions de licences.
On l’aura compris, un carve-out en système d’information ne s’improvise pas. Il requiert une approche chirurgicale qui combine la préparation amont en mode confidentiel et une accélération dans un cadre de temps contraint avec des enjeux humains, managériaux, techniques, juridiques, fiscaux et sociaux à très très haute intensité ! C’est le dernier conseil de Thierry Haro, au vu de l’importance des enjeux, il faut absolument que les entreprises n’hésitent pas à faire appel à des spécialistes. Il souligne que pour les équipes de la DSI en place et pour les DSI, c’est souvent la première fois qu’ils abordent ce type de problématiques.
Spécialiste des opérations de fusion-acquisition (plus de 30 projets : fusion, JV, détourage) et des projets SAP (depuis 25 ans).
Professionnel aguerri avec 15 ans d’expérience dans la fonction de DSI, Thierry aide à sécuriser les transformations digitales et à diriger les projets IT complexes. Il intervient pour aligner la DSI sur la stratégie de l’entreprise, la recentrer sur la création de valeur.
Références : Algeco, LVMH, Fondation LV, Les échos, Cheval Blanc, Plastic Omnium...
The podcast to understand how the CIO job is changing. From a technical profession to a business-oriented profession, the CIO is the key to the transformation of our companies.
Every week, Bertran Ruiz talks to the CIOs and CIOs who are involved, and share their experiences with you. A compendium of knowledge and learning.