Lorsqu’il s’agit de mettre en place des méthodes agiles, les directions générales se posent légitimement de nombreuses questions sur la transparence et l’efficience de la gouvernance budgétaire agile.
Disons le clairement, ce pilotage budgétaire en mode agile reste (très) mal compris dans les entreprises, voire principalement appliqué de manière dysfonctionnelle et contre-productif !
Si vous voulez sortir d'une certaine forme d'hypocrisie et de méprise, on ne saurait que trop vous recommander l'écoute de cet épisode N°72 de CIO Révolution, premier de la nouvelle saison : L’agilité dans l’entreprise en 2023 en partenariat avec Valiantys, partenaire Atlassian spécialisé Agile at Scale.
Olivier Conq, DSI, Membre de la communauté Infortive transition, Cofondateur du Cabinet de recrutement Keoje et de Action Agile, revient sur cette thématique après ses plus de 25 ans d’expériences pour partager ses convictions au micro de Bertran Ruiz CEO d’AirSaas et Podcaster de CIO Révolution.
Comme de nombreux DSI, Olivier a commencé comme développeur. Il a eu à gérer des budgets allant de 1 à 20M€ et des équipes de 10 à 80 personnes. Certifié Scrum & SAFe ainsi que formateur pour Central Supelec sur des modules d’innovation et de transformation. Il a travaillé dans différents secteurs du bancaire au e-commerce au sein de nombreuses organisations parmi lesquelles le libraire Chapitre.com, LVMH, Oui SNCF, Allianz, Rue du Commerce...
Prônant de nouvelles pratiques de management telles que l'Agilité, le Servant leadership, le management bienveillant. Il partage avec nous son regard sur les nouveaux modèles d’organisation permettant de développer l’innovation des entreprises. Et en particulier un zoom sur les processus budgétaires dans le cadre des démarches agiles/ agiles à l'échelle.
Sommaire
1. Les fondamentaux : confiance et variabilité du périmètre fonctionnel détaillé.
Loin de l'image d'un agile "à l'arrache", au contraire, Olivier Conq explique se baser la notion de vélocité pour estimer la quantité de complexité qu'une équipe (stable) est capable de gérer pour produire des estimations fiables.
2. Deux erreurs courantes dans le fake budget agile !
Olivier revient sur deux raisons courantes qui conduisent certaines organisations et managers à tricher.
3. Une autre échelle de temps et de gouvernance financière
Le quarter versus l’année et la confiance versus le contrôle.
"L'agilité, ça m'a un peu changé la vie ! Je ne m'imagine pas travailler autrement" D'emblée Olivier annonce la couleur. Pas de retour arrière possible !
Pour nous faire comprendre sa passion, il revient sur sa rencontre avec l’agilité. Alors qu'il appartenait à des équipes un peu "malheureuses" il se rend compte qu'une autre équipe tech voisine était plus épanouie et heureuse...en creusant il découvre qu’ils travaillaient en extrem progamming « ils étaient heureux, tout marchait bien, à chaque déploiement en prod ils étaient confiants ! »
Il a alors adopté cette culture. « Ça a rendu les équipes avec lesquelles je bosse plus épanouies, et pour moi c’est ça qui compte. »
Pour Olivier c'est clair : « le point de départ c’est le capacitaire ! » Loin de l'image d'un agile "à l'arrache", il explique au contraire se baser la notion de vélocité pour estimer la quantité de complexité qu'une équipe (stable) est capable de gérer pour produire des estimations fiables.
En premier lieu, Olivier conseille donc de déterminer à l’avance la quantité de travail qu’on a à faire sur un produit donné, afin de déterminer la taille de l’équipe nécessaire, et par conséquent le budget.
On fixe alors une durée pour atteindre le MVP, ou un autre stade de développement du produit.
Pour jargonner (un peu) on dira que cette construction budgétaire agile, est basée sur un backlog d’epics macro-estimées ! ^^
Point fondamental, ce “macro costing” implique donc de connaître à l’avance la capacité à délivrer de son équipe, sa vélocité au regard des différents niveaux de complexité.
Olivier rappelle donc ce prérequis : “Au départ on ne connaît pas sa vélocité donc on va estimer grosse maille. Ensuite, quand les équipes démarrent, on va mesurer la vélocité réelle et alors on va réadapter le plan”.
Par exemple, en scrum, à la fin de sprints de 2 ou 3 semaines on va mesurer la vélocité réelle. C’est-à-dire qu’on regarde surtout la quantité de complexité qu’une équipe est capable de passer en « Prod ». Olivier insiste sur ce point, car pour lui souvent “c’est un des premiers endroits ou les choses sont dévoyées”.
Olivier Conq souligne qu’à la différence d’une estimation faite par un chef de projet « avec sa boule de Crystal ». Quand on a fait ça pendant quelques mois. À chacun des nouveaux sprints, on sait ce que l’équipe est capable de livrer en points de complexité. On est alors capable de dire de façon très précise le délai de sortie d’une fonctionnalité.
Olivier le rappelle : “En agile il n’y a aucun problème à prendre des engagements sur des dates.”
Par contre il le rappelle : “Ce que tu ne peux pas faire c’est le fameux triangle de fer de la gestion de projet. S’engager sur un budget, sur un contenu fonctionnel précis et sur une date de sortie. Il faut faire sauter l’un des trois…et en agile c’est le périmètre fonctionnel précis qui saute ! ”
« En agilité, on fait sauter le verrou du périmètre fonctionnel figé, il faut accepter que, même sur des gros projets ça changera au fil de l’eau. »
La difficulté principale réside alors dans le fait de faire confiance en se basant notamment sur une continuité d’équipe : « La stabilité c’est important dans les équipes en agile ! » souligne notre invité.
Sur ce sujet de la prédictibilité, Olivier remet donc les points sur les « i » de l’agile : « L’agile n'est pas un chèque en blanc aux équipes ! »
"Le budget est là pour fournir du people" et à aucun moment des fonctionnalités détaillées”
En puisant dans son vécu, Olivier souligne qu’en général les directions financières n’ont pas besoin de tous les détails. Il note que : “la peur de se “faire avoir” conduit surtout le midlle management, sous pression “pour en faire entrer plus”, à demander des comptes précis aux DSI / Scrum master sur l’utilisation future des budgets alloués.
Ceux-ci mettraient alors des jours à établir des budgets sans aucune vérité opérationnelle ! Notre DSI le répète, en agilité on n’est pas capable de dire ce qui va se passer à un niveau détaillé. "C'est là où il y a un aspect confiance qui est important."
“Avoir un budget très détaillé rassure... donne la sensation de ne pas se faire avoir”, mais ce processus se révèle à la fois contre productif et peut conduire à une perte de sens dans les équipes” .
En effet d’après notre invité "Pour construire ce type de budget ultra-détaillé de façon théorique tu es obligé de tricher, en réalité tu n’en sais rien”.
Il remarque que cette façon de faire des fausses prévisions budgétaires détaillées est répandue dans les organisations pyramidales. Dans lesquelles deux mondes cohabitent : celui la direction rassurée par une photo budgétaire fictive et celui de la réalité terrain ! “Une façon de faire schizophrène qui a malheureusement des conséquences sur les prises de décisions !”
"Tu en arrives à des situations ou le budget qui est réalisé n'a plus rien à voir avec la réalité de ce que font les gens mais la direction est contente parce qu'elle a un budget présentable à l’actionnaire."
Seconde erreur courante, “pour des gens qui ne sont pas de l'informatique” cette idée que si tu as une équipe de 5 et que tu ajoutes 1 ta capacité à faire passera de 5 à 6 automatiquement.
Malheureusement Olivier le rappelle: ”la dynamique d’équipe peut totalement s’inverser à chaque arrivée !”.
Même avec des grands moyens, on ne peut faire l'impossible ! Il rappelle le proverbe : "Neuf femmes ne peuvent pas faire un enfant en un mois".
Il fait également le parallèle avec une autre croyance erronée, celle liée au développement off-shore facile ! Pour notre invité “ces deux idées sont des raccourcis et on ne mesure pas assez l'impact réél que cela peut avoir”.
Il engage plutôt les DSI à avoir un dialogue avec le DG sur le capacitaire, à lever ce tabou.
“Une grosse feature, ça se découpe en petits morceaux !”
Olivier souligne la nécessité d’un autre découpage pour une échelle d’engagement plus courte. Le besoin est découpé rapidement pour le confronter au client le plus vite possible.
Découper le besoin et changer le rapport au temps permet :
En termes de feuille de route et de visibilité donnée, pour Olivier le “quarter” suffit à la direction générale. Pour lui : “Cette période du trimestre est utile parce que tout le monde est habitué à ça et SAFe le propose aussi !
Olivier souligne en outre que “les dirigeants aiment bien SAFe parce qu'ils y retrouvent les drivers de leurs métiers : budget, planifications, release, etc.”
Il rappelle que tu as aussi des rituels de préparation budgétaire avec SAFe et les sprints planning à l'échelle (PI planning) avec une approche de gouvernance financière plutôt adaptée aux grandes entreprises, qui finance des flux de valeur.
Souhaitant démystifier la complexité de ce cadre de développement agile à l’échelle, il souligne qu’une des forces de SAFe réside dans le fait que tout est documenté et accessible.
Un point à noter : “Le deal en SAFe est que sur le trimestre qui viens tu ne t'engages que sur 80 % de tes capacités” nous rappelle Olivier.
Lorsqu’on l’interroge sur le rapport au ROI budgétaire de ces démarches Olivier le souligne: ” On est capable de dire telle fonctionnalité sort à telle date, va coûter X et rapporter Y".
Pour rassurer les parties prenantes et la direction générale, Olivier conseille de communiquer sur un palier minimum de ce qui va être livré.
“ Si on arrive juste en disant juste en disant je vais livrer ça “grosso modo” et ça va te coûter 15 millions, le DG a intérêt à être sympa pour l'accepter” .
Il propose plutôt d’arriver en disant “ ça je vais te livrer de façon sûre et j'ai un 20% moins sur qui est flottant…. ça passe mieux !.
Pour lui, on peut faire ça quand on a gagné la confiance des équipes et du DG, c'est alors “très simple à faire !”
“À vouloir tout contrôler on en arrive à des modes de fonctionnement qui sont parfois ubuesques”
The podcast to understand how the CIO job is changing. From a technical profession to a business-oriented profession, the CIO is the key to the transformation of our companies.
Every week, Bertran Ruiz talks to the CIOs and CIOs who are involved, and share their experiences with you. A compendium of knowledge and learning.